La gestation
Jusque là, la colonne était un bloc monolithique et formée en carré. Il commence par diviser la colonne en deux échelons : L’un est le convoi proprement dit avec sa propre défense, l’autre un groupement léger qui est un échelon de manœuvre.
La compagnie affectée à la défense du convoi ne marche plus en carré, formation épuisante en terrain accidenté, mais par section en flanc-garde. Changement radical de l’avis des officiers, notant que l’ordre de marche est à présent plus souple et que les déplacements et les haltes se font dans l’ordre.
L’échelon de manœuvre est composé des forces les plus mobiles dont la mission est d’attaquer l’ennemi.
Il est constaté sur le terrain que cette articulation fourni une meilleur défense au convoi, mais elle laisse encore l’initiative à l’adversaire car cet échelon reste à proximité de la colonne. L’échelon de manœuvre est donc le cœur du problème. Comment libérer l’échelon de manœuvre de la charge du convoi pour lui procurer l’autonomie opérationnelle et un rayon d’action plus grand ?
Tant que cette question restera sans réponse, la manœuvrabilité des Français sera entravée par la vitesse (plutôt la lenteur) du convoi. L’état- major planche inlassablement sur cette question et progressivement une idée se fait jour: le convoi doit cesser d’être un centre d’opération, mais plutôt servir de base mobile. Une sorte de mère nourricière mobile en plein désert, auprès de laquelle l’échelon de manœuvre vient régulièrement refaire ses forces.
Mais, la vulnérabilité d’une cavalerie dépourvue du soutient de l’infanterie a été démontrée au combat de Moualok. Comment fournir à l’échelon de manœuvre un appui d’infanterie à longue portée. « Le problème n’est pas d’aller vite, écrit de Négrier, c’est d’aller longtemps et loin [..] Les coups de fusil sont rares ici. Nous nous battrons à coups de kilomètres. Il s’agit de marcher »
La naissance.
Pour tester sa nouvelle articulation des colonnes, il regroupe 54 légionnaires choisis parmi les meilleurs tireurs en les équipant d’un mulet chacun. Mission: escorter de loin les goumiers et les chasseurs d’Afrique afin de leur fournir un appui feu en cas de difficulté.
Couvrant près de 200 kms en deux jours, ce petit groupement de poursuite et de reconnaissance surprend une tribu qui ne s’attendait guère à voir surgir du désert des adversaires jusque là bien lent. La colonne, base mobile, continue son avance pour récupérer le détachement. On tire les conclusions de l’expérience, L’essai se révèle concluant. Cette formation est imitée, puis étendue par d’autres commandants de colonnes.
En janvier 1882, une colonne fait une razzia près de chott Tigri et s’empare de 18 000 moutons, 600 chameaux, 36 chevaux et un grand nombre de tente et de tapis. L’adversaire aurai perdu l’initiative ?
Pas si sur, en avril une section montée de la légion escorte des cartographes dans le chott Tigri, coupée de la colonne, elle est massacrée. Cet échec clôt le débat entre les officiers qui prétendent qu’un mulet par homme améliore la mobilité et ceux qui pensent qu’une telle facilité incite les fantassins montés à se comporter comme des cavaliers. Retour à la case départ ? Pas complètement.
Si la moitié des effectifs d’une compagnie montée est à pied, alors l’autre moitié sera obligée de mettre pied à terre, elle ne sera plus tentée de se comporter en cavalier.
La compagnie Montée voit le jour avec un effectif fixé, in fine, à 230 hommes, un peu plus de la moitié de ce nombre en mulets et des chevaux pour les officiers. D’autres unités, comme les tirailleurs, les zouaves et même quelques régiments de ligne participant à la répression de l’insurrection imitent cette organisation avec des formations Montées.
Quand la révolte de Bou Amama est matée, 1883, celles-ci sont dissoutes, laissant à la légion le monopole des compagnies montées. D’aucuns disent que leur maintien à la légion tient davantage à la tradition, à laquelle elle est très attachée, qu’à une perception claire de besoins tactiques.
Un changement de stratégie apporte de profondes modifications à leur statut. Les français adoptent sur la frontière algéro-marocaine une attitude défensive en tenant une série de postes d’infanterie destinés à empêcher les incursions venues du Maroc : Les compagnies montées, initialement conçues comme des unités de poursuite et de reconnaissance, sont principalement affectés à l’escorte de convois qui relient les postes. (voir le combat d’El Moungar, 1903).
Le colonel Lyauté est désigné commandant du territoire d’Aïn-Sefra en septembre 1903. Il applique la technique de pacification dite de « la tache d’huile » qu’il étend jusqu’au Maroc oriental où les frontières sont mal définies. Ce changement de stratégie libère les compagnies montées de leur mission d’escorte de convoi
Le colonel Lyauté divise ses forces en trois catégories : 1° échelon, les « éléments mobiles » essentiellement composés de goums commandés par des officiers français. 2° échelon, les « unités de soutient » composées des compagnies montées de la légion et des unités légères de tirailleurs. 3° échelon des unités régulières de la légion et de tirailleurs qui tiennent les bases d’Aïn-Sefra, Béchar et Ras el Aïn, d’où ces unités interviennent.
A plusieurs reprises les montées ont du passer à l’assaut des positions adverses pour sauver la situation. Les résultats obtenus en 1908 par les compagnies montées à Menabha, Bou-Denib et Djorf font beaucoup pour la réputation de la légion même si elles ont été utilisées comme de l’infanterie plutôt que comme des unités de reconnaissances et d’appui de la cavalerie.
A suivre